« Il avait sa chambre en haut, il avait ses repères, il avait ses rituels et c’était important », témoigne une femme, racontant la fin de vie de son fils. « Il ne supporte plus d’être à l’hôpital, ne serait-ce que quatre heures, sans fumer (…), c’est moi qui ai proposé une chimio à domicile », relate une autre, à propos de son mari.
Les Français, à 81%, disent vouloir passer leurs derniers instants chez eux, mais seuls 25,5% des décès surviennent à domicile. Ce constat constitue la base du rapport que publie l’Observatoire national de la fin de vie, lundi 18mars. A partir d’études, mais aussi d’une enquête auprès d’aidants et de soignants, il tente d’en expliquer les raisons. C’est un système aux multiples lacunes qu’il décrit, devenu de surcroît illisible.
Le domicile renvoie à une fin de vie plus « normale », « tranquille », « moins déshumanisée » qu’à l’hôpital, où 60% des Français décèdent. Bien sûr, quand la situation se complique, il arrive que le malade ou ses proches changent d’avis, et préfèrent l’hospitalisation. Mais il n’empêche, le maintien à domicile, ou le retour pour les derniers jours, relève du parcours du combattant. « Non pas tant que les aides n’existent pas (…), mais plutôt que [les aidants] ne les recherchent pas toujours (faute de savoir qu’elles existent), ou qu’elles ne sont pas adaptées à leurs besoins », décrit l’Observatoire.
Comme le fonds national pour l’action sanitaire et sociale qui peut financer les gardes-malade, une possibilité presque jamais mentionnée dans les documents destinés au public. Comme l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, disponible depuis 2011, mais demandée par seulement 1000 personnes, faute de communication. Comme d’autres aides critiquées par les aidants pour cause de rigidité des dispositifs, de lourdeur des dossiers à remplir, de délais d’obtention trop longs.
COORDINATION DES SOINS
La complexité ne s’arrête pas là. « Les situations de fin de vie sont de plus en plus longues et complexes. En miroir, l’offre de soins est devenue de moins en moins lisible: les dispositifs de prise en charge se sont considérablement multipliés… au point que plus personne ne s’y retrouve », relève le rapport. Un manque de clarté auquel s’ajoute la discontinuité des soins, surtout la nuit et le week-end, qui peut aboutir à des hospitalisations.
Généraliste, équipe d’infirmiers, d’hospitalisation à domicile, kiné… toute une série de soignants peuvent se succéder, avec parfois des points de vue différents. Le constat est ancien: le nœud du problème à domicile, c’est la coordination des soins. Or celle-ci peine à s’améliorer: « Non seulement les dispositifs se succèdent à vive allure, mais, depuis quelques années, ils tendent à se surajouter les uns aux autres », note, sévère, l’Observatoire, citant les réseaux de santé, plates-formes territoriales, et autres groupements de coopération sanitaire.
Dans ce système qui a atteint ses limites, le rapport estime qu’il ne faut pas trop attendre des généralistes, mais plutôt leur trouver une « juste place ». Il rappelle qu’ils sont peu formés aux situations de fin de vie, qu’ils y sont peu confrontés, puisqu’ils n’accompagnent que un à trois cas par an et qu’ils manquent de temps. Il constate aussi que les jeunes sont moins disposés à cette prise en charge chronophage et lourde émotionnellement.
L’Observatoire ne propose pas de solution miracle. Il estime urgent que, dans chaque territoire, à partir de l’existant, une structure soit facilement identifiable. Il préconise, aussi, la mise en place d’outils qui font défaut en France: un dossier patient – enfin! –, car l’inexistence du partage d’information entre professionnels est un frein au maintien à domicile des personnes en fin de vie, la création de lieux d’accueil temporaires pour malades, afin que les aidants puissent souffler, et l’expérimentation de services d’accueil de jour en soins palliatifs, comme dans les pays anglo-saxons.
Surtout, il estime qu’après leur essor à l’hôpital, les soins palliatifs à domicile doivent devenir la priorité. Un appel au gouvernement, alors que l’Elysée, parallèlement à son souhait de voir évoluer la législation sur la fin de vie, promet de poursuivre le développement de ce type de soins.