Le 5 novembre 2014

Monsieur le Président et cher confrère,

        Avec les effets d’annonce successifs de la presse concernant des projets de loi sur l’euthanasie, je me sens très insécurisée dans ma position de médecin généraliste.

        Vous connaissez la réalité de l’exercice médical qui nous fait partager les plus beaux et les plus difficiles moments de la vie de nos patients, vous savez que nous avons promis de protéger la vie des plus vulnérables….Alors pourquoi n’entend-on que les communiqués du  gouvernement qui régulièrement reviennent à la charge avec des commissions… Sicard … puis maintenant Claeys Leonetti, pour nous imposer une euthanasie déguisée.

        Nous disposons aujourd’hui de moyens nombreux pour soulager et accompagner nos patients. Faut-il les citer pour se rendre compte de la pluralité et de la complémentarité des offres de soins mobilisables autour de la fin de vie. Abstention, écoute, conseils, diététique, antalgie, kinésithérapie, psychologie, allopathie, et toutes les mesures associées hypnose, sophrologie, thérapie familiale, musicothérapie, homéopathie, impossible de les nommer tous…

        Nous sommes de très nombreux professionnels de santé prêts à se former pour ne pas démissionner devant la fin de vie et la mort de nos patients.

        Je sais qu’il existe des situations complexes où les patients et leurs familles sont très démunis. Les soignants sont parfois gagnés par cette difficulté de ne plus avoir rien à proposer dans le sens de la guérison. Mais est-ce une raison pour couper court ?

        A la violence faite aux personnes de renoncer à les accompagner en leur proposant de les tuer, s’ajoute la violence d’imposer aux soignants de faire exactement le contraire de ce qu’ils ont choisi de pratiquer.

        Combien de fois allons-nous modifier le serment d’Hippocrate pour qu’il convienne mieux à nos pratiques déviantes ?

        Je ne suis pas d’accord avec l’idée que l’Etat puisse nous imposer ce que nous avons à faire. Je suis les recommandations de bonnes pratiques de  l’université, je travaille en secteur 1, j’accepte que la collectivité ait un droit de regard sur ma pratique et je rends des comptes de ma façon de gérer l’argent public, mais je n’accepte pas que l’on légifère sur le moment d’interrompre la vie des gens.

        Vous voyez déjà les dérives qui se profilent à l’étranger. Tout ce que l’on avait pressenti et dont on avait dit que c’était impossible se passe déjà; l’euthanasie pour des personnes qui ne sont pas mourantes, l’euthanasie des mineurs, des personnes handicapées, des personnes déprimées..

        On applique bien le principe de précaution pour des causes bien moins sérieuses, Je pense aux recommandations de vaccinations contre la grippe H1N1, mais on n’applique pas le principe de précaution à la vie elle même.

        Je crois qu’il y a méprise sur ce que nous sommes capables d’accepter et de pratiquer. Les médecins généralistes sont au service de la santé et de la vie des gens. Nous avons besoin de soutien et du réseau d’appui dont  vous êtes la tête. Il y a une ligne de crête que nous avons pu établir avec la loi Leonetti que beaucoup en Europe nous envient. Nous devrions la diffuser, la faire connaitre au lieu de penser qu’on règle le problème de la fin de vie en enlevant la vie.

        Je me demande comment  le Conseil de l’Ordre peut nous protéger dans l’exercice de notre métier, sans soutenir ou même devancer les volontés inquiétantes du gouvernement.

        Je vous remercie pour ce que vous pourrez faire et vous prie de croire, monsieur le président, en mes salutations respectueuses.

                                                       Dr M. V.

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