Pourquoi un tel décalage entre la réalité du procès qui se déroule actuellement aux assises de Dordogne et son retentissement médiatique ?

Plusieurs d’entre-nous étaient présents à Périgueux dès l’ouverture de l’audience : ils ont découvert deux soignantes visiblement éprouvées, dont le parcours a malheureusement abouti, une nuit, à la prescription par l’une et l’administration par l’autre d’une piqure létale. Mais lorsqu’on essaie de comprendre comment elles en sont arrivées là, plus que le procès de la loi qui proscrit l’euthanasie, c’est une remise en cause d’une certaine dérive de l’organisation de l’hospitalisation qui s’impose : déficit de formation du médecin, défaut d’information de l’infirmière, confusion des rôles entre soignants et membres de la famille, surcharge de travail, poids de la responsabilité d’un trop grand nombre de lits pour une seule infirmière de nuit, défaut de travail en équipe, manque de transparence dans les relations avec la famille, déficit de prise en compte du «burn out» (épuisement physique et moral) des soignantes…

Pour nous, il ne s’agit aucunement de charger deux femmes qui ont été visiblement dépassées parce ce que le système dans lequel elles évoluaient était défaillant ou, peut-être, en raison de leur propre fragilité. Mais il serait criminel de laisser croire que la piqure administrée à Paulette Druais pour qu’elle trouve la mort était la bonne solution, la solution inéluctable sans laquelle on aurait du l’abandonner à sa souffrance.

Il est particulièrement injuste qu’on entende sur les ondes, à la radio et à la télévision, et qu’on lise dans la presse, que les soignants seraient unanimement en accord avec la pratique qui vaut ce procès. Si nous pouvons être solidaires des souffrances de ce médecin et de cette infirmière, nous devons impérativement lever toute ambigüité en ce qui concerne la piqûre létale : elle ne s’impose jamais. Il y a toujours une autre façon d’accompagner une personne qui s’en va.

C’est heureusement la position de l’Académie de médecine et de l’Ordre des médecins qui viennent de le souligner. Mais, ici encore, on observe une inégalité du traitement médiatique de cette information. Dans l’émotion du témoignage des soignantes de Saint-Astier s’impose dans l’opinion publique l’idée qu’elles n’ont fait que «leur devoir», «par compassion». La position de l’Académie de médecine et de l’Ordre des médecins est par contraste présentée sèchement comme un point de doctrine, comme si nous restions, nous les soignants qui récusons la piqûre létale, les bras ballants devant les malades en fin de vie qui souffrent !

Il est urgent que nous soyons très nombreux à dénoncer cette vision déformée de la réalité en montrant que ce qui a manqué à Saint-Astier, c’est tout simplement une vraie qualité des soins.

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