Dans un rapport rendu le 6 mai 2009, le Conseil d’Etat prend position sur la fin de vie. Il indique quelle interprétation doit être donnée selon lui des dispositions de la loi dite Leonetti du 22 avril 2005 sur trois question principales : les conditions de l’arrêt de traitement, la question des suppléances vitales, et celle de la mise sous sédation. Il propose des modifications limitées en vue d’assurer le recours à la procédure collégiale en cas d’arrêt des traitements à l’égard d’un patient inconscient.

Le Conseil d’État recommande surtout de rendre effectif le droit aux soins palliatifs reconnu par le code de la santé publique, en créant une procédure administrative spécifique qui permette aux patients ou à leur famille d’obtenir l’accès à ces soins et en prévoyant leur mise en œuvre précoce ; il est également proposé de faire de l’enseignement des soins palliatifs une discipline universitaire. Le Conseil d’État propose en outre de réexaminer la question de l’application de la tarification à l’activité (T2A) aux soins palliatifs, compte tenu des problèmes éthiques que peut soulever ce mode de tarification. Si le droit aux soins palliatifs est ainsi rendu plus effectif, le Conseil d’État estime que les demandes de légalisation de l’euthanasie perdront leur objet, et que les situations dans lesquelles le médecin, dans un souci d’humanité, décide de transgresser l’interdit de mettre fin à la vie deviendront quasiment inexistantes.

Voici également les autres points bioéthiques sur lequel se positionne le Conseil d’Etat :

Pour la recherche sur embryon, le Conseil d’État préconise de passer d’un régime de dérogation à celui d’autorisation reposant sur des conditions analogues à celles prévues en 2004 : pertinence scientifique, perspective de progrès thérapeutiques majeurs, impossibilité de mener la recherche à l’aide d’autres cellules, respect des principes éthiques. En revanche, il s’oppose à ce que l’on crée des embryons humains pour la recherche.

Pour le diagnostic préimplantatoire et le diagnostic prénatal (DPI/DPN), le Conseil d’Etat ne souhaite pas limiter davantage les possibilités de dépistage que ne le prévoit la loi actuelle. Selon le Conseil, la loi actuelle « permet un équilibre satisfaisant entre la nécessaire flexibilité face aux évolutions techniques et le refus de dérives eugéniques ». Il conseille toutefois de renforcer l’accompagnement de la femme enceinte afin que celle-ci soit dûment informée de la portée des résultats des tests, notamment lorsque ceux-ci sont donnés dans le délai de l’IVG. Le Conseil d’État propose enfin de reconsidérer à l’issue d’un délai de cinq ans la technique du « bébé médicament », qui permet de sélectionner génétiquement un enfant à naître en vue d’améliorer les chances de guérison d’un enfant déjà né et atteint d’une maladie génétique grave ; selon le Conseil d’Etat, il importe d’examiner à l’issue de ce délai si cette technique a pu procurer des avantages réels en termes médicaux avant de décider d’en maintenir la possibilité ou non.

S’agissant de l’assistance médicale à la procréation (AMP), le Conseil d’État ne propose pas de revenir sur les conditions actuellement posées par la loi, qui sont cohérentes avec l’objectif de remède à l’infertilité assigné à cette technique : couple formé d’un homme et d’une femme en âge de procréer, délai de deux ans de vie commune pour les concubins, interdiction du transfert d’embryon post-mortem. Sur la question de l’anonymat des donneurs de sperme et d’ovocytes, le Conseil d’État préconise de tenir compte des demandes fondées sur la « souffrance des origines », ainsi que de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, tout en évitant les risques de déstabilisation des situations familiales nées de l’AMP. Il propose de permettre « l’accès de tout enfant majeur le sollicitant à certaines catégories de données non identifiantes et la possibilité d’une levée de l’anonymat si l’enfant le demande et le donneur y consent »

Le Conseil d’État reste sur l’interdiction de la gestation pour autrui, « en considération de l’intérêt de l’enfant et de la mère porteuse ». Il propose en revanche que la situation juridique des enfants nés à l’étranger par recours à cette pratique soit aménagée, de façon que ceux-ci ne soient pas pénalisés par le fait que leurs parents d’intention ont eu recours à une pratique interdite en France. Il propose par exemple de reconnaître la filiation paternelle de l’enfant à l’égard de son père biologique, « puisqu’il existe un lien biologique entre l’enfant et le père, lequel se trouve dans une situation similaire à celle du père d’un enfant naturel »  et d’accepter une délégation d’autorité parentale du père à la mère d’intention.

Sur la question des tests génétiques, le Conseil d’État propose que les autorités sanitaires française élaborent et mettent en ligne un référentiel de qualité qui permettrait aux utilisateurs de connaître les caractéristiques et le degré de fiabilité des différents tests disponibles. Les tests génétiques permettant d’établir la filiation obéissent actuellement à des conditions strictes que le Conseil d’État ne propose pas de modifier. La seule évolution envisageable est relative aux tests de filiation post-mortem : ces tests sont actuellement interdits en droit français sauf consentement exprimé de son vivant par l’intéressé. Il est proposé de substituer à ce dispositif un autre prévoyant que les tests post-mortem sont possibles sur décision du juge, après mise en balance des intérêts en présence, sauf si l’intéressé s’y est opposé de son vivant.

Le Conseil d’État ne propose pas de modifier les conditions qui gouvernent aujourd’hui le don d’organes. Il souligne toutefois que dès lors que la pratique des prélèvements d’organes après arrêt cardiaque tend à se développer, cette pratique doit être corollairement encadrée ; il importe dans ce cadre de prévoir que les patients ayant fait l’objet d’un arrêt de traitement ne peuvent faire l’objet d’un prélèvement, et de définir les conditions de l’arrêt de la réanimation en cas d’arrêt cardiaque réfractaire. Sur la question des banques de sang de cordon, dont l’usage privatif se répand à l’étranger alors même que l’utilité thérapeutique de la conservation des cellules souches hématopoïétiques à des fins personnelles n’est pas démontrée, le Conseil d’État préconise de maintenir le primat de la solidarité qui inspire l’ensemble de la législation française ; il importe avant tout d’augmenter les stocks de sang de cordon détenus dans les banques publiques, et de prévoir, si les banques privées devaient être autorisées, que les greffons qu’elles conservent pourraient être en cas de besoin affectés en priorité à d’autres personnes que le donneur.

Synthèse du rapport du Conseil d’Etat rendu public le 6 mai 2009

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