55 médecins du nord du département signent une lettre ouverte et rejettent en bloc l’avis publié par le Conseil national de l’ordre des médecins en février dernier.

«Vous envisagez la possibilité d’une sédation, adaptée, profonde et terminale dans certaines situations exceptionnelles […]. Vous précisez que cette sédation pourrait être envisagée par un collège, mais aussi que l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui ne saurait être transgressé par un médecin agissant seul. C’est donc bien l’euthanasie ou le suicide assisté par décision collégiale que vous évoquez ». C’est en ces termes qu’un collectif de médecins du nord du département (principalement Chalon et Autun) s’adresse au Conseil national de l’ordre des médecins dans une lettre ouverte.

Des médecins « ébranlés »

L’avis publié en février dernier par l’organisme référant a provoqué l’incompréhension, et particulièrement chez ces praticiens saône-et-loiriens qui se disent « ébranlés » : « Nous ne comprenons pas pourquoi l’interdit de donner délibérément la mort à autrui par un médecin seul deviendrait licite quand la décision serait prise par un collège », écrivent-ils. Ils regrettent, dans un premier temps, « une absence totale de concertation » et la publication d’un texte qui, au final, tend à légaliser l’euthanasie. « Ça fait juste 2 400 ans que notre exercice a été fondé depuis Hippocrate. Chaque médecin prête serment et promet de ne jamais provoquer la mort délibérément. » Transgresser l’interdit de tuer leur paraît inconcevable.

« Pas une demande des patients »

Les médecins signataires s’appuient sur leur expérience pour asseoir leur point de vue : « La majorité des demandes d’euthanasie proviennent des familles et pas des patients eux-mêmes. Ce que veulent les gens, c’est ne pas souffrir, pas qu’on les tue. » Et pour ces médecins, les soins palliatifs parviennent à apaiser ces souffrances. Même s’ils reconnaissent que la France manque de structures : « Mais l’euthanasie est une mauvaise réponse à cette situation. C’est sûr que ça évite de se poser des questions, par exemple sur la prise en charge des patients en état pauci-relationnel ou végétatif », indique Jean-Yves Poy, médecin-réanimateur. Le cas de Vincent Humbert ne les fait pas changer d’avis : « D’après l’un de ses soignants, ce jeune homme était encore capable de rire. La principale question, lorsque l’on est handicapé ou malade, c’est de pouvoir donner un sens à sa vie. Et la vie a un sens si on aime et qu’on est aimé. Nous, médecins, nous avons donné notre vie pour nos patients. Ce sont des personnes importantes à qui on prend le temps de parler et donner un sens à leur vie. L’expérience montre que si le malade a du soutien, s’il a pu donner un sens à sa vie, il peut aller jusqu’au bout. »

Autres pays

Si les signataires reconnaissent que « dans de rares cas, il nous a fallu réaliser des sédations en phase terminale pour arriver à calmer des souffrances, mais avec des doses proportionnées à la douleur et sans intention de provoquer délibérément la mort, contrairement à la proposition du Conseil de l’ordre », ils ne veulent pas entendre parler des pays qui ont légalisé l’euthanasie : « C’est marginal », estiment-ils, « sur les 196 pays de l’Onu, 193 sont contre. » En ce qui les concerne, la loi Léonetti qui « permet la prise en charge de l’ensemble des patients est amplement suffisante ». Nicolas Feillet, pneumologue ajoute même en guise d’avertissement : « La loi Leonetti a permis de créer l’unité, médicalement et politiquement parlant. Une loi qui autoriserait l’euthanasie ou le suicide assisté nous diviserait profondément. »

Source : Article du Journal de Saône-et-Loire (5 juin 2013)

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